Hôtel de ville et Espace Landowski

Agathe Natanson compose ici un livre écrit à partir de lettres d’amour adressées après son départ au grand comédien. Elle y raconte son quotidien de veuve qu’elle ne veut imposer à personne, celui d’une femme bien sûr esseulée et triste, heureusement rattrapée par un désir de vivre plus fort que tout.
Il y a les mauvais jours où elle se sent « petit chiffon » et où en promenade au bois de Boulogne elle déteste pêle-mêle « les vieux en
loden vert mousse » et « les jeunes en jogging gris » et ceux où elle se sent ragaillardie après un rendez-vous avec un type sinistrissime qui tente de la convertir au viager. Non, elle ne veut pas qu’on la cantonne au rôle d’une veuve plaintive et désespérée : elle peut parfaitement endosser les habits d’une veuve joyeuse !
Est-ce parce qu’elle est actrice elle-même que l’autrice cherche par tous les moyens à métaboliser la souffrance par le jeu ? Il y a chez elle un goût immodéré de la comédie, un attrait irrésistible pour l’enfance, et c’est ce qui, comme Agathe Natanson ne cesse de le rappeler, la lia si puissamment à Jean-Pierre Marielle.
Et c’est bien le jeu qui vint à leur secours lorsque la maladie d’Alzheimer arriva, permettant de faire semblant, de jouer avec les
autres, pour tromper le quotidien sombre et fatal. La grande extravagance de Jean-Pierre Marielle réussit, un temps, à fabriquer
l’illusion, pour lui-même, son épouse et ceux qui l’aimaient assez pour faire semblant d’y croire.
Tantôt sombres ou pétillantes, les missives évoquent avec pudeur et délicatesse l’absurdité d’un présent dans le manque de l’être
follement aimé. Veuve souvent mélancolique redevenant soudain virevoltante, l’autrice partage l’universalité de son expérience du deuil en même temps qu’elle dessine un portrait plein de charme de l’acteur facétieux.

Agathe Natanson, comédienne, a été la dernière épouse de Jean- Pierre Marielle. Elle a déjà publié L’Art de ne pas être grand-mère

(Calmann-Lévy, 2016).

Présente au salon samedi et dimanche