Bouyssou Xavier
Xavier Bouyssou
Toonzie, éditions 2024
Il n’y a que les gens trop sérieux pour se demander pourquoi les bandits et les escrocs sont populaires. Au pays de Maurice Leblanc, on n’aime guère la réussite des gens droits dans leurs bottes et Xavier Bouyssou l’a bien compris. Dans sa conquête de l’Hexagone – que dis-je, du monde entier ! , il applique les recettes des gredins sachant vendre du rêve à ceux qui souffrent et souhaitent fuir la réalité. Si Toonzie n’est pas sans lui ressembler, c’est avec un humour bravache et un cynisme assumé qu’il nous conte l’histoire de ce héros gourou. Cette première BD a tout du geste hardi où l’audace le dispute à la géniale impétuosité. Pour preuve, l’auteur se plait à commencer son récit après l’âge d’or de la secte, au moment où Toonzie, épuisé par son imposture, dévoile la supercherie à son numéro 2 : « Les Toons n’existent pas. » Pourtant tout avait bien commencé, ce Raël bedonnant façon Looney Toons, avait conçu son entreprise de manipulation des foules avec brio : autoproclamé Toon Master, il est le seul être humain à s’être spirituellement assez éveillé pour distinguer les Toons qui lévitent comme des doubles de nos âmes au-dessus de nous. Mieux, sa prophétie veut qu’il doive mourir le plus vieux possible de manière naturelle – et sans jamais manquer d’argent, of course ! – pour Toonzifier le monde et achever la révolution
en cours. Avec son humour touchant, qui flirte avec la nostalgie de ce qui n’est plus, Xavier Bouyssou
croque un futur dans lequel la technologie fomente des rêves artificiels, où les humains sont en quête d’utopie désespérée, voire abracadabrantesque, pourvue qu’elle permette d’échapper à la morne réalité. Ainsi, les pages du voyage fantasmé à Toonzalia dans lequel notre héros, à la manière de la vie dans un « monde-autre » des chamanes, erre entre ennui et farces en tous genres, nous réconcilie à lui seul avec ce type s’inventant un destin avec pour seul bagage son bagou en étendard, une cape rituelle immaculée et des lunettes de soleil noir.
Né après la chute du mur à Agen, terre des mousquetaires, Xavier Bouyssou hésite longtemps entre l’animation de campings, et l’accomplissement de son destin de dessinateur de bande dessinée. Après avoir fait les beaux-arts à Toulouse, puis l’Ecole Saint-Luc à Bruxelles, il a la chance de goûter aux deux. Publiant d’hilarantes bandes dessinées sur son compte instagram, il parfait sa science du déguisement l’été venu.
Avec Toonzie, son premier livre, cet amateur inconditionnel de Carl Barks n’a plus à choisir. Mesdames, messieurs, Xavier Bouyssou est le futur de la bande dessinée.